Un trésor englouti sur les côtes de Boulogne sur Mer - EIC Reliance
Le trésor perdu de la “Reliance”
- Pascal Kainic -
~ Fortune de mer sur la côte picarde ~
L’Aventure débute toujours par plus de questions que de réponses…
Les Océans constituent à la fois le plus grand coffre-fort et le plus grand musée de tous les temps. Certains spécialistes affirment qu’ils renferment environ 40% des métaux précieux extraits par l’homme depuis l’Antiquité.
Il suffit de penser au lourd tribut prélevé par la mer sur les empires coloniaux des nations européennes. Les tempêtes, écueils, bancs de sable ou collisions ont contribué largement à l’engloutissement des navires et de leurs cargaisons, sans oublier les grands conflits mondiaux et leurs guerres sous-marines à outrance.
La recherche et le sauvetage des cargaisons et des trésors en mer ne sont pas des activités nouvelles, car elles furent pratiquées depuis la plus haute antiquité.
Cependant, elles sont, aujourd’hui, en pleine expansion, grâce en partie au développement fulgurant des techniques d’exploration. Même si ces techniques demeurent extrêmement coûteuses, on n’hésite pas à aller de plus en plus profond; parfois à plusieurs milliers de mètres sous les océans, à l’aide de robots et autres sous-marins d’exploration.
Les années 80 témoignent de ce formidable essor, par des découvertes époustouflantes telles que le sauvetage de cent soixante milles pièces de porcelaine et des lingots d’or de la dynastie Ming (Geldermalsen); de cinq tonnes de lingots d’or dans la mer de Barents (HMS Edimburgh) ; de 3,5 tonnes de pièces et lingots d’or au large des côtes américaines (Central America) ou encore l’exploration et la récupération d’objets du "Titanic".
Bien d’autres exemples pourraient être cités aussi dans le domaine de l’archéologie sous-marine.
Ainsi donc, des richesses tant archéologiques qu'en pièces sonnantes et trébuchantes dorment encore sous les océans dans les navires, galions, goélettes, trois mats, vapeurs ou cargos de jadis. Autant de raisons pour susciter l’engouement à des générations d’explorateurs et de chasseurs d’épaves.
Pour la plupart, ce dernier est un aventurier aussi obstiné que solitaire; une sorte d’illuminé les pieds dans l’eau et la tête dans les brumes de l’histoire. Son histoire, il la tire d’une vieille carte marine achetée à prix d’or dans une taverne sombre baignant dans une ambiance de rhum… Mais depuis de nombreuses années, cette vision largement folklorique ne correspond plus à la réalité.
En effet, ces aventuriers ont cédé la place à de véritables entrepreneurs, agissant en professionnels au sein de structures juridiques, financières et scientifiques en planifiant leurs activités.
Leurs histoires ne sont plus tirées de confidences d’ivrognes, mais ont constitué de solides dossiers à partir de documents d’archives, au prix de milliers d’heure de travail dans les bibliothèques, subtilement mélangés avec tout de même une petite dose de romanesque.
Pourtant, ces structures ne sont pas toujours des gages de réussites, car en matière d’épaves, la mer et ses contraintes restent maîtresses. D’autre part, les législations se durcissent dans le monde au profit de l’archéologie sous-marine réservée à une certaine élite, favorisant, à l’inverse, et en effet pervers, les pillages sauvages de chasseurs de trésors peu scrupuleux.
Voici une histoire méconnue de l’un de ces naufrages qui ont suscité la convoitise de générations de chasseurs de trésors ; celle du naufrage de la "Reliance" et des différentes tentatives de sauvetage de sa riche cargaison. Pourtant, ce naufrage ne figure pas dans les listes des plus riches projets de sauvetage à entreprendre, mais…
Ce navire n’est pas perdu dans les mers lointaines, ni dans les fond abyssaux de l’Atlantique, mais près des côtes de France, en Picardie, et dans moins de dix mètres d’eau… ! La tradition orale locale, encore très vivace de nos jours, perpétue le souvenir d’un trésor submergé jamais récupéré.
Le navire
La "Reliance" était à l’origine un puissant navire anglais appartenant à la fameuse Compagnie Anglaises des Indes Orientales, construite en 1825, sur les chantiers de la Tamise, afin de compenser la perte de 2 autres vaisseaux dans des naufrages tragiques. La fatalité voulue qu’elle périsse, elle aussi, par fortune de mer.
Après de bons et loyaux services rendues à la Compagnie, elle est vendue et transformée en navire de commerce destiné au transport de riches cargaisons et de passagers entre l’Asie et l’Angleterre. C’est alors l’un des plus imposant navire de l’époque sur les mers, pour le commerce entre l’empire Céleste et Britannique.
Elle jauge 1500 tonneaux et mesure cinquante mètres de long.
Le 12 novembre 1842, elle se trouve à proximité des côtes françaises, avec à son bord 120 passagers et hommes d’équipage et une très riche cargaison de produits de l’Asie, et n’arrivera jamais à bon port. La légende d’un trésor englouti est né...
Le naufrage
7 mois auparavant et après une navigation des plus périlleuses, elle était partie des côtes de l’Inde, puis de la Chine chargée à ras bord de marchandises précieuses dont neuf cents tonnes de thés, de porcelaines et de curiosités chinoises.
Les hommes, épuisés par un si long voyage, impatients de revoir leur mère patrie, l’Angleterre, Londres, leur destination, sont pourtant si proches du but. Après avoir passé les feux du Lizard et navigué en Manche, les marins sont persuadés qu’ils sont déjà en vue des feux de Dungeness, au sud de la côte anglaise. Mais le sort en a décidé autrement, car une tempête d’une rare et extrême violence sévit dans les parages ; le temps est complètement bouché, le brouillard dense.
La "Reliance" se trouve en fait à proximité des côtes du nord de la France, et les ordres du Capitaine Green de virer à tribord leur est fatal. Le vaisseau talonne et s’échoue avec un bruit effroyable sur les sables de la côte boulonnaise, à peu de distance du bourg du Touquet, sans que personne, ou presque, ne puisse faire quoique ce soit pour échapper à l’effroyable noyade. Les habitants du village, témoins impuissants de la scène, ne peuvent qu’assister à la catastrophe. Seulement 7 personnes arrivent à se sauver sur un total de cent vingt à bord.
Selon un article du Times of London, « sur le pont grouillaient une masse de rats électrisés par le choc du naufrage, cherchant comme les homme une illusoire échappatoire… »
En quelques heures seulement, la fière "Reliance" est totalement échouée et se disloque sous les coups de boutoirs répétés de la mer en furie. Elle n’est plus qu’épaves multiples jonchant la côte sur des kilomètres, mais la coque avec le plus gros de la cargaison s’enfouie dans le sable. De mémoire de marin, se fut le naufrage le plus coûteux en vies humaines et pertes matérielles auquel on n’avait jamais assisté dans la région.
Sauvetage des débris à la côte
La côte est jonchée de débris de l’épave et de sa cargaison.
Rapidement, les autorités s’organisent pour stopper le pillage par les habitants. Les jours suivant le désastre, plus de trois milles caisses de thés sont récupérées sur la plage, sur les vingt sept milles notées sur le manifeste de cargaison, et vendues aux enchères.
On vient de la France entière, de Belgique et même de Hollande pour participer à cette vente exceptionnelle de marchandises exotiques. Les chroniques de l’époque soulignent le peu de scrupule de la part de certains marchands qui n’hésitent pas à revendre du thé blond transformé en thé noir, car plus cher; transformation avec de la peinture au plomb !
Très vite, on signale des cas d’empoisonnement et on intente des procès dont la cour royale de Paris sera chargée. Le naufrage de la "Reliance" et ses terribles conséquences deviennent affaire nationale… D’ailleurs, d’autres commerces douteux vont s’installer. On revend, à la sauvette et pour une poignée de pain, des châles en cachemire que l’ont dit arrachés à la cale du navire. En réalité, il s’agit de contrefaçons arrivées directement de Paris !
Tentatives de sauvetage
Quelques jours après la catastrophe; les ventes aux enchères terminées, un banquier local décide de racheter aux assureurs et propriétaires de la "Reliance", les restes du navire et de sa cargaison, car il reste encore beaucoup de choses "précieuses" à bord. Mais tout est déjà bien ensablé et si loin du rivage… Ses tentatives de sauvetage ne vont finalement pas aboutir et le banquier ne fera pas la bonne affaire à laquelle il pensait.
Une vingtaine d’année plus tard, une société se constitue afin de récupérer les "richesses considérables" demeurées enfouies dans les cales du navire. Et c’est à coups d’explosifs que l’on va essayer d’éventrer les parties basses de la coque qui est désormais totalement ensouillée. Le résultat ne se fait pas attendre; la mer est couverte de poissons morts, terrassés par les déflagrations.
Le butin : quelques maillons de fer de chaîne de l’ancre. Quand au soit-disant trésor : pas la moindre parcelle… Pour l’instant…
Ma propre tentative de localisation
Aujourd’hui encore, la tragédie de la "Reliance" demeure vivace localement dans les traditions orales.
Cent cinquante ans ont passé et, ce mois de juin 1992, notre équipe de chercheurs est aussi tentée par l’aventure. Un épais dossier d’archives a été constitué tant en France qu’en Angleterre, et des preuves tangibles de l’importance du projet nous invitent à aller plus avant. Pas de doute, en plus de l’importante cargaison de marchandises périssables, la "Reliance" transportait une quantité de porcelaines, des "curiosités" chinoises, une caisse de montres en or et vraisemblablement beaucoup plus… Le tout d’une valeur de près de vingt millions de francs de l’époque, environ 75 millions d’Euro actuels !
Le 28 juin, après des heures de recherches en mer avec le support de "l’Albacore", petit navire de Boulogne et son équipe de plongeurs, et grâce à nos informations d’archives, ainsi que celles des pêcheurs locaux, nous pensons avoir retrouvé les restes de l’épave.
Le signal du magnétomètre à protons nous indique des anomalies qui pourraient correspondre à ce que nous cherchons. Un morceau de bois est retrouvé et coïncide avec un possible débris de la carène de la "Reliance". L’excitation est alors à son comble…
Avons-nous redécouvert l’épave tant convoitée par des générations de sauveteurs ?
Nous nous empressons alors de déclarer notre découverte aux autorités maritimes locales, un peu frustrés de ne pas pouvoir aller plus loin dans nos investigations, pour le moment. A Marseille, la DRASSM (Direction des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines) est aussitôt prévenue de nos travaux. Nous sommes dès lors, les Inventeurs de l’épave vis-à-vis des autorités françaises.
Cet organisme d’état, qui dépend directement du Ministère de la Culture, est chargé de gérer le patrimoine sous-marin des épaves sur toutes les côtes du littoral français. Selon la législation française, nous avons désormais un droit prioritaire sur d’éventuels groupes ou plongeurs qui voudraient reprendre ce dossier. De plus, un élément important dans le dossier d’archive nous incite à continuer dans notre projet ; c’est la découverte du descendant du banquier qui s'était porté acquéreur, à l'époque, de la souille de l’épave.
Nous avons ainsi retrouvé un véritable propriétaire d’une épave du milieu du dix-neuvième siècle. Absolument inédit en France, la législation très stricte en matière d’épaves "historiques", lui permet cependant de revendiquer la propriété de l'épave de la "Reliance".
Des accords sont signés, entre nous, pour de futurs projets de fouilles.
En France, la loi en matière de fouilles d’épaves est terriblement astreignante. Toute découverte d’objet ou de vestiges d’épave doit être obligatoirement déclarés à cette autorité. Dès lors, seuls des archéologues ou des plongeurs agréés ont la possibilité de mettre en place un projet de fouille. Une prime de compensation est théoriquement accordée aux inventeurs de l’épave, mais en réalité il y a peu de cas dans ce genre et la prime prévue est de toute façon extrêmement faible pour motiver les investisseurs potentiels.
Difficile, dès lors, d’envisager la mise en place d’une opération coûteuse de sauvetage avec des fonds privés; et la "Reliance" ne semble pas échapper à ce cadre. Cependant, la loi précise aussi que dans certains cas, bien mal définis, un propriétaire déclaré peut réclamer son bien et échapper à la loi très stricte de protection du patrimoine archéologique sous-marin.
Cet évènement ne s’était encore jamais produit auparavant et ce cas unique en son genre pose de véritables problèmes. Nous ne savons pas encore s’il nous sera possible de disposer de la cargaison, si nous arrivons à la sauver un jour.
En marge de ces problèmes purement administratifs auxquels nous ne pouvons nous soustraire, subsiste le problème majeur de la faisabilité même du projet de fouille. Sur ces côtes, les marées sont de très grandes amplitudes, ce qui nous laisse très peu de temps pour effectuer un travail sous-marin suivi. Entre 2 marées, un trou creusé dans le sable serait systématiquement recouvert à la marée suivante et il faudrait tout recommencer de nouveau. De quoi décourager les sauveteurs les plus obstinés...
D’autres systèmes pourraient être envisagés pour isoler le site de l’épave et le soustraire ainsi aux aléas des marées, mais les coûts seraient sûrement considérables.
Enfin, les trésors de la "Reliance" pourront encore dormir sagement au fond de l’eau et dans leur gangue de sable, en attendant de trouver les solutions adéquates pour son sauvetage, ainsi qu’une clarification des autorités culturelles au sujet de leurs propriétés.
...Pour lors, les opérations sont suspendues,
mais nos espoirs de découvertes ne sont que partie remise.
Nous ne sommes pas les premiers à tenter cette aventure
sur nos côtes et le mystère subsiste toujours
sur le trésor encore à bord...
Comments
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- 1. PILLE MICKAEL On 22/01/2009
je pense qu'il doit pas être loin ce bateau si vous aviez besoin de quelqu'un de motivé qui adore la recherche je suis là: mon téléphone est le 06 29 93 13 78
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